Tchad: des députés de l’opposition tentent un recours constitutionnel

Une vingtaine de députés de l’opposition ont déposé hier un recours en annulation de la loi constitutionnelle portant IVe République votée lundi 30 avril 2018 par le Parlement.

L’opposition qui a boycotté tout le processus espère que le Conseil constitutionnel obligera le pouvoir à passer par voie référendaire pour faire adopter une nouvelle Constitution.

Ce sont 28 députés de l’opposition qui ont signé ce recours déposé mercredi 2 mai au Conseil constitutionnel. Pour eux, le procédé par lequel passe le gouvernement est simplement illégal. « La majorité des députés de l’opposition veut que le droit soit dit dans toute sa plénitude, afin d’éviter au Tchad des regrets demain, et que la Constitution en vigueur soit respectée ou qu’en lisant le préambule, vous allez vous rendre compte que s’il devait y avoir des manipulations constitutionnelles, le peuple va s’opposer », explique le porte-parole des députés d’opposition, Madtoïngué Bénelngar.

Dans le texte du recours, les députés rappellent que le gouvernement a utilisé des dispositions portant révision de la Constitution pour faire adopter une nouvelle Constitution.

A l’annonce du dépôt du recours, beaucoup d’observateurs se sont interrogés sur les chances d’une telle procédure. Mais lui veut y croire : « Ce n’est pas parce que les hommes et les femmes qui composent ce conseil sont nommés par Idriss Déby que nous ne devons pas avoir confiance en eux. Ils ont appris le droit et ne peuvent que dire le droit. Il ne peut pas dire le gauche. »

En privé, beaucoup de députés signataires du document admettent que la procédure tient plus du devoir politique que d’une réelle volonté de faire dire le droit.

 

Le Tchad adopte une nouvelle Constitution renforçant les pouvoirs du président

L’opposition a boycotté le vote à l’Assemblée, dénonçant un texte permettant à Idriss Déby de rester au pouvoir jusqu’en 2033.

 

Les députés tchadiens ont adopté, lundi 30 avril, une nouvelle Constitution instaurant un régime présidentiel et renforçant les pouvoirs du président Idriss Déby, lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, qui a tenté de manifester devant le Parlement.

L’Assemblée nationale a voté le projet de Constitution par 132 voix pour, 2 contre. Une forte présence policière était visible aux abords de l’Assemblée nationale à N’Djamena, l’opposition et plusieurs organisations de la société civile ayant appelé à manifester dans la matinée. La route menant au Parlement était quadrillée par les forces de l’ordre.

Un mandat de six ans, renouvelable une fois

La majorité des 33 députés de l’opposition, sur les 170 que compte l’Assemblée, a boycotté le scrutin pour protester contre l’adoption du projet de révision constitutionnelle par voie parlementaire. L’opposition, des organisations de la société civile et l’Eglise catholique avaient demandé qu’il soit adopté par référendum. Pour la conférence épiscopale, l’adoption du texte par l’Assemblée « risque de fausser gravement les règles du jeu démocratique », dans la mesure où le pouvoir y dispose d’une écrasante majorité.

Le texte est issu des résolutions d’un forum rassemblant les forces politiques, religieuses et sociales du pays, tenu en mars mais boycotté par l’opposition et une partie de la société civile. Le texte prévoit que le mandat du président passera à six ans, renouvelable une fois, contre cinq ans renouvelable indéfiniment actuellement. Idriss Déby, 65 ans, en est à son cinquième mandat, qui doit s’achever en août 2021. Cette limitation ne convainc pas l’opposition, qui relève qu’Idriss Déby pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2033.

Les ministres, nommés par le président, prêteront serment devant celui-ci, qui pourra aussi « déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ». « Déby seul sera aux commandes, plus qu’il ne l’était déjà », estime l’un des principaux partis d’opposition, l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR). Le texte prévoit aussi que le gouvernement sera responsable devant l’Assemblée nationale et que les députés seront élus au suffrage universel direct.

Dénonçant un « vote quasi mécanique » au Parlement, l’UNDR avait appelé samedi les Tchadiens à protester. « L’ensemble des partis politiques de l’opposition a voulu manifester ce [lundi] matin devant l’Assemblée nationale, pour protester contre le vote à l’Assemblée, mais les forces armées étaient présentes tout autour du Parlement », a indiqué à l’AFP le porte-parole de l’UNDR, Tchindebbé Patalle.

Deux militants de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme (CTDDH) qui « voulaient faire un sit-in à l’Assemblée » ont été arrêtés, a déclaré son président, Mahamat Nour Ibedou, à l’AFP. Ils ont été libérés en fin de journée.

Des élections législatives avant la fin de l’année ?

Au Tchad, les manifestations de rue sont rares. N’Djamena, qui a connu plusieurs coups d’Etat et lutte contre les djihadistes du groupe nigérian Boko Haram sur les abords du lac Tchad, estime que les rassemblements de foule représentent un risque sécuritaire. Des élections législatives, repoussées depuis 2015, devraient avoir lieu avant la fin de l’année.

Pays d’environ 1,3 million de km2 en partie désertique, le Tchad est frappé par une crise économique consécutive à la chute des cours du baril en 2014. Des tentatives de diversification économique sont en cours. Le pays, qui compte environ 14 millions d’habitants, est classé parmi les plus pauvres du monde, selon l’Indice de développement humain (IDH) onusien. La mise en place de nouvelles mesures d’austérité début 2018 a provoqué deux mois de grève dans la fonction publique.

Allié de l’Occident dans la lutte contre les djihadistes, le Tchad fournit des soldats et des appuis financiers à des forces internationales, comme le G5 Sahel et la Force multinationale mixte (FMM) au lac Tchad, et se bat aux côtés des Français de l’opération « Barkhane », dont le siège est à N’Djamena.