Tchad : formation des journalistes sur les changements climatiques

Une formation en faveur des journalistes sur les changements climatiques a démarré ce 3 décembre à N’Djamena. Les assises se déroulent au Centre d’études et des formations pour le développement (CEFOD)

Trois jours durant, des journalistes bénéficieront des enseignements sur le phénomène des changements climatiques. Cette séance permettra à ces derniers d’affuter les plumes afin de mieux rendre les informations ayant trait à la climatologie. Les journalistes qui prennent part à ces travaux pourront aisément se prononcer sur certains sujets.

Prenant la parole au nom de la direction nationale du Plan national d’adaptation aux changements climatiques (PAN), Mbaidiguim Nasson explique que le Tchad et d’autres pays de la bande sahélienne présente une vulnérabilité au changement climatique. C’est dans cette optique que le PNA et le PNUD ont initié cette séance de renforcement de capacités pour outiller les journalistes sur les changements climatiques.

Le coordonnateur du PNA, Kouma Kossi Saturin fait savoir que cet atelier de trois jours vise à mieux outiller les hommes et femmes de médias dans le traitement des informations liées aux changements climatiques. Il ajoute que le projet lancé le 24 octobre 2019 veut doter le Tchad de stratégies, d’instruments et d’équipements pouvant lui permettre de s’adapter aux effets néfastes des changements climatiques.

Tchad : le gouvernement veut mieux anticiper les besoins post-catastrophes

Les travaux ont été ouverts par le directeur général du ministère de l’Administration du territoire, Mahamat Mbodou Abdoulaye. Ils visent à initier de nouvelles approches permettant de faire face à d’éventuelles catastrophes naturelles, notamment liées aux changements climatiques.

Le ministère de l’Administration du territoire, de la Sécurité publique et de la Gouvernance locale, et la CEEAC organisent depuis ce lundi 1er jusqu’au 5 avril au Radisson Blu de N’Djamena, un atelier de formation sur l’évaluation des besoins post-catastrophes et le cadre de relèvement aux catastrophes. L’atelier s’inscrit dans le cadre du plan de développement des post-catastrophes initié par les Nations Unies.

Le représentant du secrétaire général de la CEEAC, Semingar Ngaryamngaye a estimé que la sous-région n’est pas à l’abri des catastrophes naturelles. « La CEEAC est profondément préoccupée par le nombre et l’ampleur des catastrophes survenues ces dernières années ainsi que par leurs conséquences dévastatrices. Elles ont occasionnées des pertes en vies humaines considérables ainsi que le déplacement des populations et causées un préjudice économique, social et écologique », a-t-il relevé.

D’après Mahamat Mbodou Abdoulaye, directeur général du ministère de l’Administration du territoire, « le Gouvernement a l’ambition que le Tchad soit, à travers cette équipe multi-sectorielle, mieux outillé à l’effet de valider la stratégie nationale pour la réduction des catastrophes en cours. C’est un outil fort de plaidoyer auprès de nos partenaires et qui demande la contribution multiforme et accrue de la part de tous les partenaires techniques et financiers pour relever les défis en matière de prévention et de gestion des catastrophes au Tchad ».

La coordination des Nations Unies pour la gestion des risques et catastrophes et l’Union européenne ont salué les efforts des pouvoirs publics en matière de gestion de crise. Ils ont réaffirmé leur disponibilité à accompagner le Tchad face à ses défis humanitaires.

Hindou Oumarou Ibrahim, la voix du Tchad pour le climat

Le Tchadienne de 34 a représenté les peuples autochtones de la planète dans les négociations qui ont mené à la signature de l’accord de Paris, en 2015.

 

On entend rarement parler des peuples autochtones d’Afrique, de ceux et celles qui, dans les faits, sont en première ligne des changements climatiques. À 34 ans, Hindou Oumarou Ibrahim est la porte-voix de ces sans voix du climat, dont les femmes sont les premières victimes. Les yeux brillants, le sourire lumineux, la voix douce qui porte des mots coupés au scalpel. Tout, chez Hindou Oumarou Ibrahim, impose le respect.

Issue du peuple peul, une communauté autochtone nomade et semi-nomade du Sahel, elle a représenté les peuples autochtones de la planète dans les négociations qui ont mené à la signature de l’accord de Paris, en 2015. Le secrétaire général des Nations unies l’a invitée à prononcer un discours lors de la cérémonie officielle de signature de cette entente historique à New York, en 2016.

Les Peuls sont des bergers et des éleveurs du Tchad dont la survie dépend entièrement de la terre. Pour Mme Ibrahim et ses semblables, les changements climatiques ne sont pas qu’un paragraphe dans un rapport scientifique. Ils sont réels et violents. Ils changent le quotidien de tout un peuple.

« La brousse et l’environnement, c’est notre supermarché, dit-elle. On n’a pas d’hôpitaux, on n’a pas d’écoles. Le savoir qu’on étudie, c’est celui que les animaux et les plantes nous transmettent. On se soigne avec les plantes médicinales, on se nourrit avec les fruits et les animaux sauvages. On est liés à l’environnement, très fortement ».

Les perturbations du climat bouleversent le savoir traditionnel des peuples nomades. « On avait les saisons qui commençaient exactement toujours le même mois, mais maintenant, on ne sait plus », raconte Mme Ibrahim. En poursuit en disant « On a des saisons de pluie qui sont de plus en plus violentes ou de plus en plus rares. On finit avec des sécheresses ou des inondations, qui ont des impacts sur la sécurité alimentaire ».

Ces mutations climatiques génèrent des conflits entre des communautés qui vivaient paisiblement entre elles. « Les ressources se raréfient, la population augmente, les besoins augmentent et du coup, on ne sait plus qui peut avoir accès aux ressources. La loi du plus fort s’applique », explique la jeune femme.

Cette rareté des ressources pousse les éleveurs plus puissants à imposer leurs règles. « Ils accaparent les terres et on ne peut pas parler, dit-elle. Ce sont eux les leaders. On va se plaindre auprès de qui? Cette vie en harmonie commence à être chamboulée. »

Les femmes, premières victimes

De par le rôle fondamental qu’elles jouent dans leurs communautés, les femmes sont les premières à être touchées par les perturbations de l’environnement.

Il leur faut marcher plus loin pour trouver de l’eau ou du bois et composer avec des potagers de légumes asséchés ainsi qu’avec des animaux mal nourris, en raison de l’absence de pâturage. C’est encore plus vrai au Tchad, où la plupart des hommes peuls quittent le foyer familial pendant la saison sèche pour trouver du travail, qui permettra de subvenir aux besoins de la famille.

« Elles assument en même temps le rôle de la femme et de l’homme, dit Mme Ibrahim. Elles vont dans la brousse pour chercher à manger, elles cultivent les petites terres, elles traient les vaches et vont vendre le lait au marché, elles préparent à manger, lavent les enfants et nourrissent les hommes quand ils rentrent à la maison. »

Identité et environnement

C’est en constatant les effets du climat sur la vie de ces femmes peules que le combat de Hindou Oumarou Ibrahim a pris forme. Au Tchad, les Peuls sont victimes de discrimination de la part du groupe dominant.

Le sanglot dans la voix, elle parle de sa mère, qui a subi les foudres de ses voisins pour avoir osé envoyer sa fille à l’école, une autochtone peule de surcroît. « Ce déclic identitaire m’a fait réaliser qu’on ne peut pas parler de droits humains dans mon pays sans parler de droit à l’environnement », explique-t-elle.

Le continent africain est de loin celui où se manifestent de façon la plus intense les effets des changements climatiques. Les Africains en sont donc les victimes, mais ils sont aussi ceux qui contribuent le moins au phénomène.

Mis ensemble, les 54 pays d’Afrique ne comptent que pour 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. À lui seul, le pays de Hindou Oumarou Ibrahim est officiellement responsable de… 0,00 % des émissions mondiales, selon l’Atlas Mondial du Carbone. En d’autres mots, le niveau est trop faible pour apparaître dans les statistiques.

« Dans ma communauté, les gens se déplacent à dos d’âne, à dos de cheval ou à dos de taureau, donc c’est zéro émission de CO2 », dit Mme Ibrahim. « C’est là où j’appelle à l’injustice climatique et environnementale », poursuit-elle, expliquant que son peuple subi ces perturbations sans en être l’origine. « Ceux qui ont causé [ces changements climatiques] perdent du temps en discutant au lieu de faire des actions concrètes », déplore-t-elle.

Beaucoup de mots pour rien

Hindou Oumarou Ibrahim se fait toujours un devoir d’être présente dans les conférences des Nations unies sur le climat. Elle a d’ailleurs joué un rôle central à la COP21, en convainquant les pays signataires de l’accord de Paris d’inclure dans le texte la question des droits autochtones.

De son aveu, ces grandes rencontres ne l’emballent pas vraiment. « Quand on vient dans les négociations sur le climat et qu’on se projette dans la vie des communautés à la maison, on est frustrés, on est déçus. C’est deux mondes séparés, dit-elle. Les gens qui devraient parler de ça, ceux dont le destin est entre les mains des négociateurs, sont très loin de ces négociations. »

Hindou Oumarou Ibrahim trouve qu’on y parle trop d’économie et pas assez des êtres humains qui subissent les effets des changements climatiques.

« Ce ne sont pas les cercles économiques qui vont compter, dit-elle. C’est les cercles qu’on ne voit pas. Cette valeur qu’on ne voit pas dans l’immédiat, mais qui contribue énormément dans notre vie. Comme lorsqu’on protège les forêts en Afrique centrale et qu’on contribue ainsi à atténuer les changements climatiques en Europe. »