Entre Abbas Mahamat Tolli et Hervé Ndoba, duel pour la succession à la BEAC

Le gouverneur tchadien vient d’obtenir un avis favorable du juge communautaire dans la confrontation qui l’oppose à l’argentier centrafricain à propos du controversé dossier du concours de recrutement de la BEAC. Enjeu d’une guerre qui promet d’autres épisodes, la désignation du prochain banquier central.

LE MATCH DE LA SEMAINE – Derrière son flegme habituel, Abbas Mahamat Tolli avait le triomphe modeste. « Personne n’est au-dessus de la loi. La justice s’est prononcée, il revient aux responsables d’en tirer les conséquences », lâchait le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), le 15 décembre, en mettant un terme à la conférence de presse succédant au dernier comité de politique monétaire de l’année. Le Tchadien réagissait ainsi à une question sur l’usage qu’il ferait de l’avis – rendu le 16 novembre et qui lui est favorable – qu’il a sollicité de la Cour de justice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) à propos d’une résolution prise par
les ministres des Finances, le 6 octobre, de suspendre le controversé concours de recrutement des cadres supérieurs de la banque centrale régionale et d’instruire un audit externe du processus.

« C’est suicidaire comme démarche, dans la mesure où il se met à dos le comité ministériel. Ce n’est qu’un avis qui ne remet pas en cause la décision des ministres », estime un haut fonctionnaire communautaire. Du fait du sommet entre les États-Unis et l’Afrique, à Washington mi-décembre, une passe d’armes entre le banquier central et les argentiers de la sous-région, qui pour la plupart accompagnaient leurs chefs d’État à ce rendez-vous américain, a été évitée le 13 décembre, à Douala. Mais la bataille mettant aux prises le gouverneur et le président du conseil d’administration de la BEAC, Hervé Ndoba, promet d’autres rebondissements.

Victime d’une « cabale »

Depuis le mois d’août, ce dernier, par ailleurs ministre des Finances et du Budget de Centrafrique, et le banquier central se livrent une guerre sans merci à propos de ce « scandale » du recrutement des agents d’encadrement supérieur de la banque centrale. Le premier milite clairement pour l’annulation du concours afin de sauver la réputation de l’institution, tandis que le second, excipant d’une attitude irréprochable, plaide pour la poursuite du processus. Le dernier épisode étant cette missive qu’Hervé Ndoba adresse le 21 octobre – soit deux semaines après l’assise ayant décidé de la suspension – à Abbas Tolli pour regretter que les résolutions et le communiqué final n’aient pas été portés à son attention pour signature, alors qu’à l’accoutumée, cela se fait dans les minutes qui suivent la fin des travaux.

Dans l’entourage du Tchadien, la cause de cette « cabale » dont il est la victime est à chercher dans l’adoption en avril par Bangui de la loi sur la cryptomonnaie. Un dossier susceptible d’ébranler les fondements de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) et sur lequel le banquier central n’a eu de cesse de se montrer inflexible. D’ailleurs, le groupe de travail qu’il a mis sur pied au sein de la BEAC pour réfléchir sur les implications d’une telle décision estime que l’adoption du Bitcoin instaure un « dualisme monétaire » dans la zone, en institutionnalisant un concurrent au franc CFA.

Bien qu’exclu du premier cercle qui gère le dossier de la cryptomonnaie à Bangui, il revenait à Hervé Ndoba d’affronter ses pairs de la Cemac avides d’explications. Et c’est peu dire que l’argentier centrafricain, tout président du comité ministériel de l’Umac qu’il soit, a souvent essuyé les flèches de ses collègues.

Game of thrones

Un autre sujet émerge en toile de fond de cette confrontation : Bangui compte sur cette affaire pour affaiblir davantage le Tchadien et amener ainsi les chefs d’État à écourter son bail qui s’achève en principe en avril 2024. « On sait dans l’entourage de Touadera que Abbas Tolli n’est plus en grâce à Ndjamena où on le soupçonne d’avoir des vues sur le trône. Il n’est donc pas certain qu’il bénéficierait du soutien de son cousin [Mahamat Deby Itno, NDLR] si la question de son maintien venait à se poser », glisse un cadre de la banque centrale. Si tel est le cas, un de ses compatriotes devrait achever son mandat ou alors les chefs d’État pourraient en décider autrement

Une option qui ne déplairait pas à Hervé Ndoba. En vertu du principe de la rotation, auquel s’ajoute la règle selon laquelle le pays abritant le siège d’une institution communautaire ne peut désigner un de ses ressortissants à sa tête, le poste de gouverneur va échoir, non pas au Cameroun – le siège de la BEAC se trouvant à Yaoundé –, mais à la Centrafrique à la fin du mandat de Abbas Tolli. « Ndoba ne cache plus son désir de récupérer ce strapontin lucratif et fait des pieds et des mains après de Touadera », soutient notre haut fonctionnaire

En attendant que le prochain sommet des chefs d’États de la Cemac puisse trancher, les protagonistes croiseront encore le fer dans les prochains jours sur le sort à réserver à l’avis du juge communautaire. Une opportunité pour Hervé Ndoba et ses pairs de laver l’affront fait par Tolli ?

Jeune Afrique

Tchad : plus de 13 milliards de F pour améliorer la qualité de l’électricité

L’enveloppe est du Fonds africain de développement.

 Le Conseil d’administration du Fonds africain de développement a donné son feu vert, mardi 13 décembre 2022, à Abidjan, à l’octroi d’un don de 21,51 millions de dollars soit 13 295 380 700 FCFA au Tchad, pour mettre en œuvre le Projet d’appui au secteur de l’énergie électrique (PASET).

Le projet entre dans le cadre de l’initiative « Desert to Power » dont la feuille de route nationale a été validée par le Tchad. Cette initiative couvre 11 pays du Sahel (Burkina Faso, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan et Tchad) avec un objectif d’accélérer le développement économique dans la région du Sahel à travers le déploiement à grande échelle de technologies solaires.

Le projet a pour objectif d’améliorer l’accès à l’électricité et la qualité de l’énergie fournie. Pour répondre à la demande croissante d’électricité (environ 5% par an), il va aider à augmenter la capacité de production d’énergie électrique propre et durable, notamment dans les zones défavorisées du pays ; de réduire les coûts de production dans certaines localités et de contribuer à améliorer les performances techniques, financières et commerciales de la Société nationale d’électricité (SNE), l’entreprise publique chargée de la production, du transport et de la distribution de l’électricité au Tchad.

Le projet cible directement 15 000 nouveaux abonnés qui bénéficieront, grâce aux nouveaux compteurs à prépaiement, d’un meilleur accès à l’électricité et suivi de leur consommation énergétique, mais il profitera à toute la population tchadienne. Par ailleurs, l’amélioration de la qualité de service touchera l’ensemble de la clientèle.

« L’intervention de la Banque se justifie par la nécessité d’accompagner le Tchad dans le processus de sortie graduelle de la situation de fragilité économique et sociale, en contribuant à résoudre la crise énergétique ».

« Nous allons accompagner le Tchad dans la mise en œuvre des réformes et la réalisation d’infrastructures pour faire face aux contraintes et défis majeurs du sous-secteur de l’électricité. Le projet vient s’ajouter à des interventions antérieures de la Banque et d’autres partenaires techniques et financiers, comme l’interconnexion Tchad-Cameroun, et en amplifier l’impact », a déclaré le directeur général pour l’Afrique centrale de la Banque, Serge N’Guessan.

Tchad : Oxfam ouvre une banque à céréale à Koulkoulaye

Cet établissement va permettre à la population de faire le stock de céréale pour faire face à la période de soudure.

Financée par l’union européenne à travers le projet Résilience et Adaptation aux Variabilités climatiques pour une Sécurité alimentaire et nutritionnelle durable au Tchad.

Cet établissement a été construit par l’ONG Oxfam avec des matériaux durables qui fait office de la banque céréalière du village Koulkoulaye dans le département de Mangalmé, province du Guera.

Appelé magasin communautaire de stockage, le bâtiment permet à la population du village de faire le stock de céréale pour faire face à la période de soudure. Chaque crédit de céréale fait à un villageois donne lieu à un remboursement avec un surplus de 5 coros à la récolte.

« Nous avons fait une donation de 300 sacs de céréales, 230 sacs ont été donnés en crédit. Le crédit a fait un intérêt de 28 sacs plus 30 corots de 2,5kg. 70 sacs ont vendus et apporter ma somme d’un million et quelques. La somme a permis d’acheter 88 sacs de céréales. Oxfam a fait une donation de 75 sacs de céréales pour renforcer le stock », nous explique l’assistant sécurité alimentaire de la base d’Oxfam de Mangalmé, Ngartonon Memhorngar.

Côté bénéficiaire, c’est un sentiment de satisfaction. Car, en période de soudure, ils peuvent prendre en crédit le sac de céréale et rembourser à la récolte.

« Même si le projet prend fin, nous allons continuer avec la banque céréalière parce qu’elle nous permet de se prendre en charge et éviter la famine à nos familles », confie Ibrahim Adam, le secrétaire général du comité de gestion.