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Au Président Idriss Deby Itno

Si l’ère n’est plus aux coups d’Etat, elle n’est plus non plus aux règnes à vie.   A l’occasion de…

Si l’ère n’est plus aux coups d’Etat, elle n’est plus non plus aux règnes à vie.

 

A l’occasion de la fête de la Tabaski, le président Idriss Déby Itno s’est adressé au peuple tchadien. Plusieurs sujets relatifs à la marche de la Nation, ont été évoqués. Dans la foulée, il a exhorté ses opposants politiques, à rentrer au bercail  afin que les Tchadiens, sans exception, se mettent au travail pour la construction de la patrie.  Mais ce qui aura sans doute fait siffler plus d’une oreille, c’est son appel à l’opposition armée, à renoncer à la logique guerrière au motif, selon lui, que l’ère des coups d’Etat est révolue. L’on peut dire qu’il a, en partie, raison. Les coups d’Etat, particulièrement en Afrique et même ailleurs, sont de plus en plus mal accueillis, rejetés voire proscrits par Paris, Washington, Londres, etc. Et tout dictateur qu’il est, Idriss Déby Itno peut s’en réjouir. Lui, comme bien d’autres  de la confrérie des satrapes, peut s’estimer heureux que les golpe ne soient plus dans l’air du temps. En tout état de cause, Déby peut toujours compter sur les condamnations internationales  – de moins en moins de principe – consécutives à toute prise de pouvoir par la force. C’est, du reste, officiellement cette logique – même si elle cachait mal d’autres enjeux- qui avait valu au soldat Dédy d’être sauvé in extrémis par l’ex-président Nicolas Sarkozy  (il avait dénoncé une prise de pouvoir par la force), alors que le «guerrier du désert» était à deux doigts d’être délogé par une rébellion armée qui était aux portes de son Palais. C’était le 28 février 2008. En soulignant avec un brin de délectation, que l’ère n’est plus aux coups d’Etat, le satrape tchadien devrait aussi avoir la sagesse de comprendre enfin que l’ère n’est plus non plus aux règnes à vie.

Déby, tout croyant qu’il  est ou prétend être, devrait, à son âge, plutôt chercher à « obtenir le Ciel »

Et il pourrait et devrait s’inspirer des exemples de  bien de ses pairs sur le continent, qui adhèrent volontiers à cette vérité de la Palice selon laquelle  le « cimetière est rempli de gens indispensables », et qui, ce faisant, savent qu’ils ne perdraient rien à passer la main  à la nouvelle génération, bien au contraire. En tout cas, aussi vrai que « Vanitas vanitatum omnia Vanitas » (vanité des vanités, tout est vanité) sur Terre, Idriss Déby, tout croyant qu’il est ou prétend être, devrait, à son âge, plutôt chercher à « obtenir le Ciel », après avoir tout eu sur terre ou presque.  Et sans prétendre lui indiquer les « voies du Seigneur » dont on dit qu’elles sont « insondables », on  peut tout de même se demander si ce natif de Berdoda est sur la bonne voie quand il fait feu de tout bois pour se fossiliser au pouvoir, au détriment d’un peuple dont les aspirations au changement restent toujours sans issue.  Aujourd’hui bien plus qu’hier, le président tchadien peut avoir le sentiment confortable  d’être intouchable pour deux raisons essentielles : la communauté internationale  abhorre de plus en plus les coups de force. Et puis, il  y a cette proximité affective  avec  Paris, tant il passe pour être une pièce maitresse dans le dispositif de lutte contre le terrorisme au Sahel. Mais cela lui donne-t-il le droit d’en faire une exploitation aussi exquise que

Maladroite ?  Assurément, non.  Déby n’est pas le Tchad et le  Tchad ne saurait se résumer à Déby. 

Cela dit, en appelant ses opposants à ne pas recourir  à l’argument de la force, le satrape tchadien laisse transparaître sa phobie du coup d’Etat. Saurait-il en être autrement quand on sait que « le bourreau a  peur du gourdin », même si, pour ce qui le concerne,  Déby Itno  feint d’oublier d’où il vient ; lui qui, on s’en souvient, a accédé au pouvoir, en 1990, par l’argument de la force et non la force de l’argument ? En tout cas, si la crainte d’être renversé par les armes  hante ses nuits, le dirigeant tchadien devrait comprendre que  le meilleur antidote à cela,  est d’appliquer une gouvernance vertueuse à tous les niveaux. Aujourd’hui, le Tchad va mal. Et si le pays a la mine des mauvais jours, la responsabilité n’est imputable ni aux opposants, ni aux travailleurs, ni aux syndicats, ni à la grogne sociale, etc.  Les causes du mal sont ailleurs : une gouvernance politique, sociale, économique, calamiteuse  dont il est  le premier responsable. Au demeurant, que peut-on encore donner à son pays quand on est dans l’exercice de son … 5e mandat ?  1990-2018, l’homme aura passé vingt-huit années à la tête de son pays et il semble avoir l’appétit toujours gargantuesque ! Plutôt  que de faire dans la constante fuite en avant en distribuant les mauvais points aux uns et aux autres, Idriss Déby devait réaliser que le problème du Tchad, c’est… d’abord et avant tout, sa personne. Et comprendre enfin que le salut n’est pas dans la répression,  ni dans le déni de la démocratie, mais dans l’alternance pacifique et élégante. Mais Idriss Déby peut-il comprendre cela ?  Rien n’est moins sûr.  Assurément,  il ne semble pas pouvoir s’élever au-dessus de la logique… de la caserne.