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La médecine traditionnelle africaine monte au créneau face au coronavirus

Vous êtes positifs au coronavirus ? Pas de souci, buvez votre propre urine ! A l'image de ce conseil d'un…

Vous êtes positifs au coronavirus ? Pas de souci, buvez votre propre urine ! A l’image de ce conseil d’un herboriste congolais, la pandémie a fait fleurir les promesses de guérison les plus diverses en Afrique, où la médecine traditionnelle reste prisée et respectée.

Tisanes, décoctions, épices, fruits ou légumes… Sur les marchés ou dans les officines, la liste est longue des remèdes dont les tradipraticiens vous affirment, une main sur le coeur et, souvent, l’autre sur le porte-monnaie, qu’ils repoussent ou soignent le Covid-19.

Même les chefs d’Etat s’en mêlent. Celui de Madagascar, Andry Rajoelina, a d’abord vanté les qualités de guérison d’une tisane à base d’artemisia, une plante à l’efficacité scientifiquement prouvée contre le paludisme. Il a ensuite fait marche arrière en insistant sur ses vertus préventives, qui permettraient de renforcer le système immunitaire.

« Cette tisane donne des résultats en sept jours », a-t-il affirmé après l’avoir bue, arguant d’essais qui restent à publier. « On peut changer l’histoire du monde entier », a-t-il assuré.

Doyen de la faculté de médecine de Toamasina (est), le Dr Stéphane Ralandison a mis en garde contre les méthodes « pas bien scientifiques » autour de cette tisane.

Si elle reconnaît que certaines substances peuvent « atténuer les symptômes » du coronavirus, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a elle aussi rappelé qu’il n’existait pour l’heure « aucune preuve » qu’elles peuvent « prévenir ou guérir la maladie ».

Mais qu’importe. Faute d’un vaccin ou même d’un traitement efficace offert par la médecine occidentale, les tradipraticiens se sont engouffrés dans la brèche.

C’est la cas de Gabriel Nsombla, qui fait la publicité de ses potions sur les ondes d’une radio locale de République démocratique du Congo (RDC).

– ‘Tous guéris’ –

« Inhaler la vapeur d’un mélange d’écorce de manguier, des feuilles de papayer, du gingembre et d’une plante dont je garde le nom secret, assure une guérison certaine », claironne-t-il, « tous ceux qui viennent chez moi repartent guéris ».

Même s’il avoue ne pas avoir encore testé ses philtres sur des malades du Covid-19, le naturopathe camerounais Anselme Kouam certifie lui aussi que « la médecine traditionnelle peut contribuer à lutter contre le coronavirus ».

Il recommande les infusions à base d’ail et de gingembre, souvent cités pour leur capacité présumée à renforcer les défenses immunitaires. Ou l’usage des cristaux de menthe, à faire bouillir dans un seau d’eau.

« Il faut rapprocher sa tête du saut, la recouvrir avec une couverture puis respirer », détaille Anselme Kouam, « ça libère les voies respiratoires et c’est efficace contre ce virus ».

Dans un continent où les traditions restent vives, l’apparition du Covid-19, qui a fait jusqu’à présent près de 1.200 morts en Afrique, a vu les populations se ruer sur les remèdes des anciens.

Sans retenue et sans discernement parfois. En RDC, la radio onusienne Okapi a rapporté fin mars la mort de trois enfants qui avaient absorbé une plante médicinale pour prévenir une contamination par le virus.

Contrairement à leurs confrères chinois qui ont obtenu pignon sur rue et reconnaissance dans les pays occidentaux, les médecins traditionnels africains regrettent les railleries dont ils sont encore souvent la cible.

L’herboriste sud-africain Makelani Bantu déplore ainsi que son gouvernement n’ait pas daigné répondre à son offre de tester scientifiquement ses décoctions.

« On ne nous donne même pas l’occasion de parler », regrette-t-il depuis son officine de Pretoria. « Pour l’instant ils n’ont pas de solution contre le Covid-19, ils pourraient au moins essayer nos traitements. »

– Pharmacopée ‘autochtone’ –

« Il est temps d’associer les autochtones à la recherche de solutions », renchérit l’ethnologue congolais Sorel Eta, qui fréquente depuis un quart de siècle les pygmées Akas de la province de Likouala (nord).

« Ils connaissent les arcanes de la forêt, notamment toutes les essences médicinales qui s’y trouvent. Ils ont toujours soigné des maladies dont les symptômes s’apparentent à ceux du Covid-19 », plaide-t-il.

Au Bénin, le guérisseur et prêtre vaudou Bokonon Azonyihouès assure travailler d’arrache-pied avec ses collègues pour mettre au point un traitement.

« Autant que les grands laboratoires, nous faisons des recherches et des essais », explique le « sage », « la solution peut venir de l’une ou l’autre médecine ».

Jusque-là, les autorités sanitaires de plusieurs pays africains ont accueilli ces promesses avec prudence.

Début avril, l’Autorité ougandaise du médicament a publié une déclaration interdisant la publicité pour les remèdes traditionnels dans les médias publics, après l’arrestation d’un herboriste qui avait prétendu avoir identifié un traitement contre la maladie.

Ce praticien, Lazarus Kungu, a été inculpé de mise en danger de la santé publique.

Responsable de la lutte contre les épidémies au ministère camerounais de la Santé, Georges Etoundi Mballa assure toutefois ne pas écarter le recours à la médecine traditionnelle. « Tous ceux qui peuvent apporter une réponse scientifique (…) sont les bienvenus », dit-il.

Le porte-parole du ministère sud-africain de la Santé, Pop Maja, assure « respecter le rôle des guérisseurs traditionnels ». Jusqu’à un certain point. « Nous savons aussi que pour l’instant il n’y a pas de traitement contre le coronavirus », dit-il, « et chaque jour, je reçois 10 à 15 appels de gens qui disent qu’ils en ont trouvé un… »

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