InternationalAFP




Faure Gnassingbé, l’héritier discret qui s’est imposé à la tête du Togo

Héritier d'une dynastie à la tête du Togo depuis plus d'un demi-siècle, Faure Gnassingbé s'est affirmé comme un président implacable…

Héritier d’une dynastie à la tête du Togo depuis plus d’un demi-siècle, Faure Gnassingbé s’est affirmé comme un président implacable avec ses adversaires, si bien qu’il est pratiquement sûr de décrocher samedi un quatrième mandat.

« Bébé Gnass », comme le surnommaient avec une certaine condescendance ses adversaires politiques, a longtemps été en quête de légitimité vis-à-vis de son père, le général Gnassingbé Eyadéma – « le vieux » – qui a dirigé le Togo d’une main de fer pendant 38 ans jusqu’à sa mort, et à qui il a succédé en 2005.

La première élection de Faure Gnassingbé, vivement contestée par l’opposition, a été remportée au terme d’un scrutin marqué par des violences ayant fait 400 à 500 morts, selon l’ONU.

Mais, cette année, la campagne électorale est placée sous le thème de la réconciliation: il doit regagner le soutien historique dont bénéficiait la famille dans le nord du pays, et qui s’est effrité depuis les manifestations massives de 2017 et 2018 et la forte répression qui s’en est suivie.

A 53 ans, le chef de l’Etat s’est cette fois adonné aux bains de foule, dont il n’a jamais été très coutumier.

« Tout le monde est surpris de le voir depuis le début de la campagne faire des accolades à des gens », commente Komandega Taama, un député de l’opposition et ancien candidat à la présidentielle de 2015.

– Mystérieux et discret –

Chemise ouverte et costume taillé sur mesure, le président-candidat s’est laissé étreindre par des partisans surexcités lors de ses meetings et, large sourire aux lèvres, a serré beaucoup de mains.

Toutefois, sa grande réserve était encore palpable dans ses discours et sa voix était basse pour reprendre le slogan de sa campagne, « Premier KO ».

Car si l’exercice est bien rôdé après trois élections présidentielles au compteur et quinze années à la tête du petit pays d’Afrique de l’Ouest, le chef de l’Etat reste un personnage mystérieux, qui n’a jamais accordé une interview à la presse locale.

« Il est très méfiant, il parle peu », confie à l’AFP l’un de ses proches collaborateurs. « J’ai parfois l’impression qu’il n’a confiance en personne ».

Féru de religion, ce président célibataire est aussi connu pour être un homme à femmes, et a eu de nombreux enfants et petits-enfants. Il est lui-même issu d’une fratrie qui pourrait s’élever à plus de 50 frères et soeurs.

L’histoire mouvementée de la dynastie Gnassingbé a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre.

– Sécurité –

L’un de ses demi-frères, Kpatcha, qui fut son ministre de la Défense, est toujours détenu dans une prison de Lomé après un coup d’Etat manqué en 2009. La famille reste profondément divisée et beaucoup n’ont cessé de dénoncer « un coup monté » pour évincer son rival.

Toutefois, ces dernières années, perturbées par d’importantes manifestations, ont montré que le chef de l’Etat peut compter sur de solides soutiens à l’intérieur, avec au premier chef l’armée, mais aussi sur la scène internationale et régionale.

Le Togo n’a pas connu le sursaut de croissance attendu, stagnant aux alentours de 5% ces dernières années, le niveau de pauvreté reste très élevé, mais il a su, malgré les controverses, faire voter une révision constitutionnelle qui lui permettra de se représenter pour un cinquième mandat en 2025.

Dans une région où la pression jihadiste est « très forte » selon ses propres mots, le président-candidat a axé sa campagne sur les risques de voir l’instabilité du Sahel se propager vers le Togo, une crainte partagée par la France, ex-puissance coloniale et allié traditionnel, et par ses voisins de l’Afrique côtière.

Alors qu’il visitait cette semaine les postes de l’armée sur la frontière avec le Burkina Faso, Faure Gnassingbé a posé en père de la nation, appelant « les populations, les leaders religieux, et les chefs traditionnels » à ne pas se soulever contre les forces de défense et de sécurité.

« Notre principale richesse c’est la stabilité et la sécurité, si nous perdons cela tous nos projets de développement seront compromis et remis en cause », a-t-il prévenu dans un entretien avec l’AFP. « Il nous faut tirer les leçons de ce qui se passe ailleurs ».

Suivez l'information en direct sur notre chaîne