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Alstom/Bombardier: nouveau test pour les règles de la concurrence de l’UE

Après la fusion avortée Siemens/Alstom, un autre géant européen du rail se profile avec le rachat annoncé lundi du canadien…

Après la fusion avortée Siemens/Alstom, un autre géant européen du rail se profile avec le rachat annoncé lundi du canadien Bombardier par le français Alstom. Un nouveau test pour les règles controversées de la concurrence de l’UE.

Mardi, Bruno Le Maire, ministre français des Finances, partisan de ce rapprochement, s’est félicité d’un « très bon entretien » avec la Commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager. Elle avait interdit il y a un an l’union franco-allemande et s’était retrouvée sous le feu des critiques de Berlin et Paris.

– Un veto de l’UE est-il probable ? –

De l’avis général, l’acquisition par Alstom de Bombardier (tramway, métro, train) devrait être moins difficile que le mariage Siemens/Alstom.

Comme l’a souligné lundi le PDG d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, le principal problème il y a un an reposait sur la signalisation ferroviaire: le français et l’allemand étaient très présents sur ce marché stratégique, qui garantit la sécurité des voyageurs tout en permettant d’augmenter les cadences sur des lignes de train et métro frôlant la saturation dans les grandes villes. Or, ce n’est pas le cas de Bombardier.

De plus, le canadien est très peu actif dans le train à grande vitesse. C’était le deuxième écueil à l’union Siemens/Alstom identifié par la Commission européenne: l’allemand fabrique en effet les ICE et Alstom les TGV.

« Les chevauchements sont beaucoup moins grands », résume une source à Bruxelles.

– Un rival chinois, plus menaçant ? –

En février 2019, le veto de la Danoise Vestager à l’union Siemens/Alstom avait mis en rage M. Le Maire et son homologue allemand Peter Altmaier, qui avaient brandi en vain l’épouvantail de la puissante entreprise publique chinoise CRRC.

« A l’époque, la Commission européenne avait estimé ne pas voir de perspective d’entrée des chinois dans un avenir proche dans l’UE », rappelle à l’AFP Emmanuel Durand du cabinet De Pardieu Brocas Maffei.

Depuis, ils ont acquis en août 2019 un fabricant de locomotives, racheté à l’allemand Vossloh, et ils ont décroché à la fin de l’année le tramway de Porto, au nez et à la barbe de Siemens.

« C’est la preuve que cette possibilité théorique de pénétration du marché européen s’est concrétisée », constate M. Durand.

D’ailleurs, alors que le Royaume-Uni vient de quitter l’UE, CRRC négocie aussi avec le gouvernement britannique pour le gigantesque projet de ligne à grande vitesse HS2 (High Speed 2) qui doit relier Londres au centre et au nord de l’Angleterre.

– Réforme de la concurrence, un atout ? –

Le veto de Bruxelles à Siemens/Alstom avait poussé Berlin et Paris à réclamer une réforme de la concurrence dans l’UE pour tenir tête notamment aux rivaux chinois subventionnés.

Début décembre, Mme Vestager avait reconnu qu’il « était temps d’actualiser les règles afin de mieux tenir compte de la mondialisation ».

Elle avait toutefois précisé que si c’était à refaire, elle ferait encore dérailler le projet Alstom-Siemens. L’UE ne doit pas aider à la constitution de champions industriels « biberonnés et chouchoutés » mais laisser la concurrence stimuler leur création, avait-elle prévenu.

Et pour l’instant, la Danoise n’a donné aucun calendrier sur ces projets de réforme. « L’analyse par Bruxelles de la fusion Alstom/Bombardier sera tout aussi rigoureuse que celle faite pour Siemens/Alstom. Ce ne sera pas un laboratoire d’essai d’une réforme du droit de la concurrence », a jugé M. Durand.

– Quel recours en cas de veto de l’UE ? –

Si Bruxelles se montrait sceptique, Bombardier et Alstom pourraient tenter d’arracher son feu vert en proposant des solutions telles que des sessions de sites de production à des rivaux.

En cas de veto, Bombardier et Alstom pourraient déposer un recours auprès de la justice européenne de Luxembourg. La fusion serait certes interdite, mais ils pourraient réclamer des dommages-intérêts à Bruxelles.

Une procédure qui durerait entre trois et cinq ans et à l’issue très incertaine. En 2007 toutefois, la Commission européenne avait été condamnée à indemniser « partiellement » le groupe français Schneider pour avoir empêché à tort en 2001 sa fusion avec son compatriote Legrand.

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